Il aura été dit à plusieurs reprises que, grâce aux percussions, Xenakis réintroduisit la problématique du rythme que l’on croyait disparue de la musique contemporaine. Architecte, ingénieur et compositeur, ce géant de la composition écrit de la musique dont la structure complexe et harmonieuse fait paradoxe avec l’énergie explosive qui s’en extrait.
De la collaboration étroite de Xenakis avec les Percussions de Strasbourg sont nées, à dix ans d’intervalle, deux œuvres fondamentales : Persephassa en 1969 et Pléiades en 1979. La première, travaillant sur la spatialisation du son, est une chorégraphie sonore. La seconde est une des plus belle pièces du compositeur. La richesse des timbres, la liberté et la cohérence de la composition font de cette oeuvre une aventure rythmique unique.
Iannis XENAKIS – Pléiades (1979) 43′
entracte
Iannis XENAKIS – Persephassa (1969) 29′
Iannis XENAKIS – Pléiades
Commande de la Ville de Strasbourg, Opéra du Rhin.
Composition : 1978-1979.
Création : le 3 mai 1979, à Mulhouse, par Les Percussions de Strasbourg
avec les Ballets du Rhin, reprise la même année en version de concert au Festival de Lille avec Persephassa.
Durée : environ 43 minutes.
Pléiades : « pluralités », puisqu’il y a six percussionnistes et quatre mouvements. L’élément fondamental de l’oeuvre est le rythme, dont la source est la notion de périodicité, de duplication, de récurrence, de reproduction, de conformité, de pseudo-conformité, de non-conformité. Dans Pléiades, cette idée de duplication (récurrence) d’un événement ou d’un état dans lequel notre univers physique est submergé se poursuit dans une « dimension» musicale, la dimension tonale. C’est pourquoi je me suis lancé dans ce double effort : le premier étant de construire une gamme non occidentale pouvant être jouée sur des instruments à clavier diatoniques ; le second étant de créer un nouvel instrument métallique, le sixxen.
Iannis Xenakis
Dix ans se sont écoulés depuis la création de Persephassa lorsque Les Percussions de Strasbourg assurent la première de Pléiades. Né de la reprise du Visage nuptial de Pierre Boulez, partition sollicitant la participation de six percussionnistes, le sextuor a été officiellement fondé en 1962 autour de Jean Batigne, puis est rapidement devenu un fer de lance de la création musicale. La création de Pléiades est d’autant plus importante que Xenakis a non seulement imaginé une nouvelle pièce pour ses interprètes, mais a aussi inventé les conditions de sa réalisation en créant un nouvel instrument, le sixxen. « Six » comme les membres de l’ensemble, « xen » comme Xenakis : plus qu’un alliage, un véritable mariage, mis en forme par le facteur d’instruments Robert Hébrard. L’instrument dispose de six claviers dont les lames métalliques sont accordées au quart de ton sur presque deux octaves, avec une pédale permettant de moduler la résonance. La matière sonore au sens propre comme au sens figuré, est au coeur du projet de Pléiades.
Six comme le nombre d’étoiles visibles à l’oeil nu en hiver, parmi toutes celles que comprend la constellation des Pléiades, formant des traces laiteuses dans le ciel. Six plus un ou sept moins une comme les soeurs de la mythologie grecque, servantes de la lunaire Artémis, dont l’une a disparu telle une comète après la prise de Troie. Les traînées blanches auraient été laissées par les larmes de ses soeurs. Six comme autant d’instrumentistes, chacun jouant son propre rôle dans l’oeuvre collective. Les métaux du sixxen rappelant les mondes plus ou moins lointains du gamelan de Bali, des percussions cérémonielles du Japon, des carillons méditerranéens ou des cloches à vache dans les Alpes, on s’étonne que le rythme soit placé, plutôt que le timbre, au sommet de la construction malgré l’attention particulière portée par Xenakis à son instrumentarium. Mais c’est oublier que dans Psappha, écrite quelques années plus tôt pour Sylvio Gualda, le timbre était déjà subordonné au rythme. Qu’il n’était là « que pour apporter une plus grande clarté ». Les Pléiades font néanmoins sortir le son de sa dimension temporelle comme pour faire étinceler le passé, peindre un vaste ciel stochastique, traversé de masses mouvantes, de nuages ou de galaxies, à la fois un et pluriel. « Rencontrer Xenakis, écrit Jean Batigne, c’est quelque chose de très important. C’est aller vers l’Histoire. C’est se projeter ou même se propulser vers un monde qui, tout en paraissant plus ou moins chaotique, reste profondément enraciné dans ses structures fondamentales. Xenakis, c’est la rencontre avec l’universel. »
François-Gildas Tual
Iannis XENAKIS – Persephassa
Commande du ministère de la Culture (Direction de la Musique) et du Festival de Persépolis.
Composition : 1969.
Création : le 9 septembre 1969, à Persépolis (Iran), dans le cadre du Festival de Chiraz, par Les Percussions de Strasbourg.
Durée : environ 29 minutes.
Se trouver au cœur du son est un rêve pour l’homme, redéfinir son espace, sa diffusion est un défi pour les compositeurs. Dans cette oeuvre, le public est l’acteur central : les musiciens sont sur six scènes autour du public. Fermer les yeux et se laisser happer par le son, se rendre compte que c’est finalement le corps tout entier qui devient récepteur sonore, « de la tête au pied ». Tout n’est que sensations, découvertes, suspensions. Un monde sonore inouï et bien plus vaste que ce que nos yeux prétendent voir…
« Xenakis, l’architecte du son, était fermement convaincu que rien ne justifiait que le son vienne d’une seule direction. À ses yeux, le dispositif habituel d’un concert, où la musique vient de devant, n’est qu’une possibilité parmi d’autres. » Guildo Fischer
Persephassa s’est imposée comme un classique définitif du répertoire pour percussions. Elle a été créée en 1969 en Iran par ses dédicataires, les Percussions de Strasbourg.
Le Titre Persephassa fait référence à la déesse Perséphone, ou Kore, personnification des forces telluriques et des transmutations de la vie. Celles-ci sont liées aux cycles cosmiques des espèces vivantes et à l’homme en particulier, la base étant la période, l’itération, essence même de la théorie des nombres et des mathématiques. C’est la raison profonde du rôle de la percussion qui symbolisait également les activités telluriques et célestes.
Au moment de sa création, Xenakis a proposé de nouveaux instruments, les simantras en bois ou de métal, déjà utilisés dans l’Orestie et dont l’idée d’origine se trouve dans les simandres des couvents grecs, «véritables nids d’une rythmique ancestrale non encore détruite par la Radio, la Télévision ou les invasions.»
Les 6 percussionnistes sont placés en anneau autour du public qui est ainsi enserré dans ces courants portés par la musique. Les trajectoires se croisent ou évoluent selon une chorégraphie sonore mise en scène par le compositeur. Avant qu’un jeu de cascades croissantes et décroissantes, de rythmes virevoltant dans l’espace et de nuages sonores chaotiques ne vienne à se déployer, les roulements de timbales du sextuor appellent Persephassa dans une incantation. Par une accélération progressive, la musique va transporter l’auditoire dans un gigantesque tourbillon. Si ce «tourniquet» évoque la danse des derviches tourneurs, Xenakis ne vise pas à la transe : de brusques coupures, brèves mais réparties d’une manière imprévisible, sortent sur la fin l’auditeur de sa torpeur.
LES DATES :
9 juillet 2021 : Pléiades -Plaine des Sports de Hautepierre, Strasbourg
25 juillet 2021 : Pléiades / Persephassa – Reggia di Caserta, Naples, IT
20 août 2021 : Pléiades – Château de Preisch, Moselle
11 septembre 2021 : Persephassa – Château du Hohlandsbourg, Haut-Rhin
19 mars 2022 : Pléiades / Persephassa – Philharmonie de Paris
10 avril 2022 :Pléiades / Persephassa – Megaron, Athène concert hall, Grèce
12 avril 2022 :Pléiades / Persephassa – Thessalonique Concert Hall, Grèce
9 juin 2022 : Pléiades – festival des 60 ans des Percussions de Strasbourg -Théâtre de Hautepierre, Strasbourg
10 juin 2022 :Persephassa – festival des 60 ans des Percussions de Strasbourg -Théâtre de Hautepierre, Strasbourg
24 novembre 2022 : Pléiades, Centre des Arts d’Enghien-les-Bains
10 décembre 2022 : Pléiades, Eglise Sainte-Hélène, Bonn, Allemagne
3 avril 2023 : Pléiades, Théâtre Carlo Felice, Gênes, Italie
26 mai 2023 : Pléiades, extraits, Taïwan International Percussion Convention, Taipei, Taïwan
24 mai 2024 : Pléiades / Persephassa, Festival Milano Musica, Théâtre alla Scala, Milan, Italie
18 juin 2024 : Pléiades, Festival Les Flâneries Musicales, Cirque du Manège, Reims
SORTIE DU LIVRE-DISQUE XENAKIS: PLÉIADES & PERSEPHASSA
2022 marque le centenaire de la naissance de Iannis Xenakis, qui fut probablement l’une des plus belles rencontres qui soit pour les Percussions de Strasbourg ainsi que les 60 ans de notre ensemble. A cette occasion, nous avons souhaité ré-enregistrer les deux oeuvres fondamentales pour la percussion que sont Pléiades et Persephassa, et créé un objet unique qui rassemble non seulement notre musique, mais également des textes et de l’iconographie racontant ce compagnonnage prolifique.
“Cet enregistrement peut à lui seul définir ce qu’est cet ensemble dans sa cohésion, son envie, son imagination, son enthousiasme, son talent. Entre les années 70 avec ses enregistrements historiques et aujourd’hui, il n’y a finalement qu’un pas de plus, un pas s’ajoutant à ceux des quatre générations qui ont participé à cette folle aventure, un pas de plus comme un relais passé de génération en génération, ne serait-ce que pour faire en sorte que le mouvement initié par tous les compositeurs qui ont écrit pour l’ensemble des Percussions de Strasbourg et au premier rang duquel Iannis Xenakis ne s’arrête jamais.”
Jean Geoffroy
Livre-disque en sélection France Musique est disponible ici
LA PRESSE EN PARLE
La Croix – Bruno Serrou, le 25 février 2022
Un centenaire pour un soixantenaire… Pour célébrer leurs 60 ans, les Percussions de Strasbourg publient un superbe album tout Xenakis. L’ensemble y interprète Pléiades et Persephassa, cette dernière – emblématique de sa « cinématique sonore » – ayant été suscitée au compositeur par les Percussions de Strasbourg en 1968. Huit ans plus tard viendra une nouvelle commande : Xenakis livrera alors ses fabuleuses Pléiades, d’une sophistication et d’une inspiration stupéfiantes.
Le Monde – Pierre Gervasoni, le 28 février 2022
Hsin-Hsuan Wu, jeune Taïwanaise qui a rejoint les prestigieuses Percussions de Strasbourg en 2017, n’en a pas la même perception. « Pour moi, Pléiades s’apparente à six étoiles qui circulent dans une galaxie », confie-t-elle, alors que « c’est la voix de la Terre qui s’élève de Persephassa », l’autre sextuor magistralement restitué par les Percussions de Strasbourg dans le livre-CD qui commémore en 2022 leur soixantième anniversaire.
Le Figaro — Thierry Hillériteau, le 11 février 2022
Les 60 ans des Percussions de Strasbourg. Fidèle collaborateur et serviteur de la musique de Xenakis depuis les années 1970, l’ensemble célèbre le génie du compositeur et les 60 ans de sa création avec un somptueux livre-disque dédié à Pléiades et Persephassa (Outhere Music).
Resmusica — Michèle Tosi, le 12 février 2022
L’équipe s’est entièrement renouvelée mais les deux pièces, Persephassa (1969) et Pléiades (1979) sont inscrites au répertoire de la phalange strasbourgeoise. Elles ont été souvent rejouées en concert et plusieurs fois gravées, avec « cette évolution des regards » dont parle l’éminent percussionniste Jean Geoffroy dans les pages du livre-disque et cette maîtrise des instruments avec laquelle, quarante plus tard, les six musiciens abordent ces deux partitions.
Cadences — Élise Guignard, mars 2022, n°352
Depuis 1962, les Percussions de Strasbourg jouent un rôle de premier plan dans le monde de la création musicale.
Crescendo — Alex Quitin, le 16 février 2022
Le CD est une vraie réussite. Après tout, qui de mieux pour jouer Persephassa et Pléiades que les Percussions de Strasbourg ? Le jeu est clair, les nuances sont poussées à l’extrême, les rythmes sont précis… Ce sont des percussionnistes talentueux et expérimentés, et la virtuosité qu’ils déploient dans certains passages est à couper le souffle. Ils nous emmènent dans un voyage sonore époustouflant et rendent honneur à Iannis Xenakis
France Musique — le 28 janvier 2022
Histoire d’une rencontre exceptionnelle entre un compositeur et un groupe d’interprètes.
ConcertClassic.com — Alain Cochard, le 15 mars 2022
« Il demeure que si un ensemble français s’imposait avant tous les autres pour cette célébration Xenakis, ce sont bien évidemment les Percussions de Strasbourg.» […]. Avec 400 œuvres créées en soixante ans, la formation peut se targuer d’avoir écrit un chapitre essentiel et foncièrement novateur de l’histoire de la musique. »
« Aussi abouti musicalement qu’éditorialement, le livre-disque sorti il y a peu réunit Les Pléïades et Persephassa. […] Avec Franck Rossi au côté de Jean Geoffroy pour la prise de son et au mixage, l’album Xenakis des Percus s’impose parmi les grandes parutions de ce début d’année et promet de faire pour très longtemps référence. »