Création : 21.01.1996 à Rome
Musique et conception : Stefano Gervasoni
Effectif : 6 percussionnistes
Durée de l’œuvre : 17′
Editeur : Salabert
Commande d’Etat pour les Percussions de Strasbourg
Néant attirant dans lequel le regard ne trouve pas de repos, fil invisible qui sépare et recompose des équilibres, seuil intouchable de la transmutation permanente. Bleu transparent et aérien du ciel qui, insensiblement, devient terre et reste ciel. Métaphore du regard : « pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps ». Gustave Flaubert Je retrouve certaines de mes notes de travail pour Bleu jusqu’au blanc, œuvre composée en 1995 et créée par les Percussions de Strasbourg. La notice de présentation de la pièce rédigée à l’époque de sa création se limitait à la citation d’une célèbre phrase de Flaubert : « pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps » et à un feuillet où j’avais écrit, en italien : « néant attirant dans lequel le regard ne trouve jamais son repos ; fil invisible qui sépare et rétablit l’équilibre, seul inatteignable de la transmutation continuelle. Bleu transparent et aérien du ciel qui, insensiblement, devient terre et reste ciel. »
Un exercice d’observation minutieuse et continuelle (comme, à l’époque, j’aimais définir ma façon de composer) exercée sur la ligne d’horizon qui sépare (ou unit) la mer au ciel, dans le lointain, dans certaines conditions de lumière. Mais un exercice tout à fait mental, qui ne s’applique pas à une vision objective ni à une image existante. Et une contemplation qui n’est pas cosmique : tout est mis en boîte dans cette pièce (le ciel et la terre…), réduit et rendu minimal, ironisé et apprivoisé de façon ludique. Les procédés sont microscopiques et la pièce avance de répétition en répétition, renouvelant pas à pas les déclinations possibles d’un matériau infime joué par de petits instruments rassemblés dans un espace étroit devant chaque musicien et disposés à la manière d’un guidon de bicyclette : six musiciens qui avancent sur place, en vélo, et rejoignent le point où la mer s’unit au ciel. Cela vaudrait sans doute la peine de dire un mot sur la génèse de cette pièce et sur ses filiations. Car la transmutation du bleu au blanc a été très fertile.
En effet, cette pièce reprend, sans utiliser aucun de ses matériaux, le titre et le motif inspirateur d’une pièce pour percussion solo, composée en 1993-94 et restée à l’état de brouillon. En 1995, j’ai repris quelques structures rythmiques de Bleu dans Parola (pour grand ensemble) et je les ai revêtues de sons, présentés dans la pièce pour percussions par des instruments à sons indéterminés. Fin 2002, Anadromous Coda (pour un percussionniste) a repris l’héritage de la pièce pour percussion solo en utilisant effectivement son matériau, mais en lui donnant un corps tout à fait différent grâce au choix d’un instrument différent, choisi parmi des instruments de la tradition japonaise. En 2004, Anadromous Coda a vu sa version transmutée en Epicadenza, dans laquelle le percussionniste soliste (sons indéterminés) est secondé par un contre-soliste au cymbalum (sa seconde voix, à sons déterminés) et entouré de deux trios basso, à vent et à cordes.
Depuis la création de Bleu jusqu’au blanc, nous discutons avec les musiciens des Percussions de Strasbourg d’une pièce complémentaire qui transmuterait du blanc au bleu un effectif opposé à celui qui vire du bleu jusqu’au blanc…
Stefano Gervasoni, 2007