NURULLA-KHOJA FARANGIS – Ravshani

Création : 22 novembre 2008 – Festival des 38ème Rugissants de Grenoble (reprise le 25 novembre 2008 dans le cadre de la saison du Maillon à Strasbourg)
Composition : Farangis Nurulla-Khoja
Commanditaire : Mécénat Musical Société Générale
Co-production : Festival des 38ème Rugissants de Grenoble et les Percussions de Strasbourg avec le soutien de la Fondation Aga Khan Trust for Culture (AKTC)
Durée : 1h
Effectif : 6 percussionnistes, 4 chanteurs de musique traditionnelle orientale, 2 instrumentistes de tanbur sato et tanbur setar

Note d’intention du compositeur
Maqâms et Percussions… Ce projet est la continuité d’une réflexion que je mène depuis plusieurs années et qui se trouve au coeur même de mon travail de compositrice. En effet, il y a un réel défi à vouloir utiliser une musique d’une tradition orale qui se perpétue depuis des centaines d’années avec une musique contemporaine en perpétuelle évolution. Qu’arrive t-il lorsque qu’une musique inscrite dans le présent rencontre une musique inscrite elle dans la tradition ? Pour autant, les choses doivent-elles rester immuables ? Heureusement, l’art aime conjuguer les paradoxes et je préfère imaginer que cette rencontre, cette collision entre les traditions musicales sont une source inépuisable pour l’art d’aujourd’hui et une réponse à nos propres réflexions. Pour ma part, ma sensibilité à la musique traditionnelle provient de mes racines tadjikes. Cette culture d’Asie Centrale a toujours eu une longue tradition d’ouverture vers de nouvelles tendances et reflétait l’esprit innovateur et créateur de la Route de la Soie. Quand je travaille avec des musiciens orientaux et occidentaux, je dois constamment faire face à des défis d’une manière concrète et découvrir comment faire se rencontrer ces deux tendances. Mon affinité pour certaines résonances des cordes (la subtilité du tanbur tadjik, par exemple) enrichit mon écriture musicale. Les cordes possédant la capacité de résonner en sympathie les unes avec les autres, j’ai trouvé ici de nouvelles perspectives pour ce projet d’ensemble. J’ai déjà travaillé à un projet Maqam et Créations avec la Fondation Royaumont. Cela a été très fructueux et une merveilleuse expérience qui nous a permis de travailler avec des musiciens français, syriens, andalous, arméniens et iraniens. Ma nouvelle pièce sera écrite pour les six musiciens des Percussions de Strasbourg, cinq chanteurs de musique traditionnelle orientale, et un musicien traditionnel oriental : sato/tanbur – sato-tadjik instrument à cordes frottées. Le concert se présentera en une performance sans entracte d’une durée de 80 minutes environ. Ma composition sera une rencontre entre musique traditionnelle et contemporaine basée sur des percussions et des voix. Le spectacle prendra la forme d’un voyage élaboré autour d’anciennes mélodies pamiriennes aux rythmes complexes et irréguliers. Je vais extraire des matériaux rythmiques d’autres traditions aussi, et parfois insérer un élément de fiction à mon rythme métrique comme si j’essayais de décrire des danses d’une culture imaginaire. Ainsi, j’appliquerai les méthodes de transcription comme une sorte de transfert d’énergie d’une source à une autre, collectant ici et là des fragments de tradition tadjike, andalouse et syrienne, de différentes époques qui fonderont mon imaginaire sonore pour cette œuvre contemporaine. Les transcriptions de mélodies syriennes et pamiriennes auront leur propre énergie directionnelle qui influeront sur ma composition. Cette intertextualité dynamisera l’œuvre et la façon dont nous ressentons la composition. Ces transcriptions seront d’une grande variété : abstraites comme une accélération de rythmes harmoniques dans une ancienne mélodie pamirienne ou une décélération comme dans un motet du début de la Renaissance ; ou viscéral comme un battement de cœur ou comme une série répétitive de rasgueado de guitare flamenco.Leur énergie nous permettra de les resituer dans leur contexte historique et culturel. Ensuite, je compacterai ces processus rythmiques ce qui m’incitera à écrire mesure par mesure en prenant compte les énergies. L’incorporation de certains rythmes complexes de musique traditionnelle pose aussi un défi de taille. En général, la grande partie de mon travail consiste à transcrire des rythmes de falaki (musique de destin). Par exemple, pour des falaki, la plupart des rythmes se compte en 5/8 (1-2/1-2-3). Or aujourd’hui, on compte davantage en 6/8 ou 7/8. Cette façon de reprendre les vieux outils rythmiques est l’essence même de la musique contemporaine. Ce travail de composition est destiné aux Percussions de Strasbourg et aux voix. Mon intention est de me concentrer davantage sur les rythmes et les aspects vocaux de maqams. Au-delà de la structure des maqams, ce sont leur proximité avec la voix humaine qui m’attire. De par mes racines, j’ai en moi ce langage, cette faculté à l’utiliser et à me l’approprier dans le cadre de ma démarche de compositrice. Plus qu’une forme, le maqam est un langage et une culture. Ma sensibilité pour les résonances des cordes (la subtilité sonore du tadjiko tanbur, par exemple), me suggère une vision de la musique contemporaine. Grâce à la richesse de ces résonances, je pense trouver dans ce projet de rencontres artistiques, une autre métaphore qui serait celle d’une entité artistique et musicale. Cette façon de travailler avec des formes anciennes, une fois encore, est l’essence même de mon travail musical. Je pense que ce genre de collaboration entre voix et instruments, entre tradition et modernité, nous incitera à la réflexion et à l’écoute.