Commanditaires : Les Percussions de Strasbourg/Festival GRAME Musiques en Scène
Création : 7 mars 2000, Festival MUSIQUES EN SCENE, Lyon
Effectif : 6 percussionnistes et dispositif électronique
Durée : 20′
Le plaisir de l’espace : on ne peut l’exprimer par des mots. Approximativement : il s’agit d’une forme d’expérience – la « présence de l’absence » ; exaltant les différences entre l’avion et la caverne, entre la rue et votre salle-à-manger ; les symétries et les dissymétries accentuant les propriétés spatiales de mon corps : droite et gauche, haut et bas. Pris à ses extrêmes, le plaisir de l’espace mène vers la poétique de l’inconscient aux limites de la folie. (Bernard Tschumi, Architecture et Disjonctif)
On Space reflète les textes et les idées d’un peintre, d’un écrivain et d’un architecte qui façonnèrent l’art durant le siècle dernier. Dans son ouvrage transcendantal intitulé On the Spiritual in Art (1910), Wassily Kandinsky écrivait :
1. L’artiste, en tant que créateur, doit exprimer ce qui est en lui.
2. L’artiste, en tant qu’enfant de son époque, doit exprimer ce qui appartient à son époque.
3. L’artiste au service de l’art, doit exprimer ce qui appartient à l’Art.
Les idées de Kandinsky, surtout celles sur l’espace et l’expression, font leur chemin jusqu’à l’oeuvre, exprimées par des trajectoires dans l’espace qui se comportent comme des points et des lignes à aplanir. Le texte de Borges est lié à la forme de cette pièce : La muerte y la brujula (1942) (« La mort et la boussole »). Tout au long des pages de cette histoire fascinante, un détective (Erik Lönnrot, « un Auguste Dupin » des détectives) trouve sa propre destinée dans un labyrinthe infini qui est sa propre cité. Une série de morts mystérieuses équidistantes dans le temps et l’espace sont les indices qui l’aident à trouver sa propre mort à Triste-le-Roy (au sud de Buenos Aires). La musique de On Space est déployée sur différents espaces qui sont tous perspectives du même paysage urbain à partir des quatre points cardinaux. Comme dans le texte, les mêmes choses sont reproduites à l’infini, et l’idée que nous n’ayons besoin que de trois points cardinaux seulement pour en trouver un quatrième devient obsédante.
Des années avant de concevoir les Folies pour La Villette à Paris, Bernard Tschumi a écrit dans son essai Questions de l’espace (1974) :
Si l’espace est une chose matérielle, a-t-il des frontières ?
Si l’espace a des frontières, y-a-t-il quelque chose au delà de ces frontières ?
Si l’espace n’a pas de frontières, les choses s’étendent-elles à l’infini ?
Dans On Space, les percussions et l’électronique sont combinés pour sculpter le son dans l’espace, essayant parfois de répondre à ces questions en termes de poésie sonore. Le programme pour la pièce a été développé comme un motif urbain dynamique dans lequel chaque section est construite pour montrer une perspective virtuelle différente à partir de différents points qui disparaissent.
On Space clos un cycle de pièces qui explorent la matérialité sonore des percussions : métal (Métal Hurlant, 1996), bois (Toco Madera, 1997) et peau (Skin Heads, 1998). On Space utilise les matériaux sonores créés dans toutes ces pièces afin de façonner l’espace comme problème continu, capable d’inflexions et de changements.
On Space a été réalisé au « Center for Advanced Research Technology in the Arts and Humanities » (CARTAH), Université de Washington, Seattle. Je remercie le directeur du Centre, Richard Karpen, pour son soutien. Je remercie aussi les Percussions de Strasbourg et le GRAME pour avoir commandé cette pièce.
Juan Pampin