Programme :
Psappha – (1975) – 12′ par Alexandre Esperet
Rebond A – (1988) – 7′ Thibaut Weber
Rebond B – (1988) – 6′ parMinh-Tâm Nguyen
Okho – (1989) – 12′ par Alexandre Esperet, Minh-Tâm Nguyen et Thibaut Weber
Du solo (Psappha, Rebonds) au sextuor (Persephassa, Pléiades), la percussion paraît emblématique du grand coup frappé par Iannis Xenakis à la fin des années 1960 pour faire de l’élément rythmique, quelque peu délaissé par l’avant-garde, une force motrice de l’inouï.
«Les percussions expliquent à elles seules au moins trois des qualités majeures de Xenakis. D’abord, son extraordinaire curiosité, qui l’a conduit à s’ouvrir à des cultures musicales issues de régions du monde fort variées. Second aspect : le rythme. Alors que la musique contemporaine s’est vivement intéressée, depuis les années 1930, aux percussions pour leur variété en timbres(Ionisation de Varèse), Xenakis a radicalement innové en retournant, avec elles, à leur fonction première, le rythme.
On dira enfin que les percussions témoignent par excellence d’une des qualités majeures de la musique de Xenakis : son caractère gestuel (…). Les gestes émanent de la partition elle-même. Écouter les percussions xenakiennes en disque ne constitue que la moitié du plaisir. Il faut les voir jouer pour s’apercevoir que l’extrême virtuosité qu’elles exigent de l’interprète dessert une succession de gestes bien ordonnée, comme un rite antique passé en accéléré dont on aurait perdu la signification, et qui constituerait désormais une énigme, un hiéroglyphe. »
Makis Solomos
PSAPPHA
Commande : Fondation Gulbenkian
Dédicataire : Sylvio Gualda
Création : 2 mai 1976, Royaume-Uni, Londres, Round House, par Sylvio Gualda
Éditeur : Salabert
Psappha est une pièce pour percussion solo, au large effectif instrumental (cinq groupes). Mais ce n’est pas à la couleur sonore que s’intéresse Xenakis, qui ne spécifie d’ailleurs pas précisément les instruments, mais donne seulement des indications de matière et de registre. Ce n’est pas non plus à proprement parler, sur le travail purement rythmique que se fonde sa composition. Ici, pas de valeurs complexes chères aux sériels ou de subtiles superpositions de rythmes. Le discours s’organise sur une pulsion régulière, même si elle varie au cours de la pièce, toutes les parties s’y référant nettement.
Ce à quoi le compositeur s’attache, en revanche, c’est à un travail de variation de densité des différents groupes, sur le plan tant vertical qu’horizontal, exigeant de l’exécutant une grande virtuosité, le charme de la musique semblant paradoxalement émaner d’un ascétisme sonore et rythmique, qui lui confère un aspect quasi incantatoire.
Les bois et les peaux ouvrent la pièce. Une première section se développe à partir d’un dialogue entre le groupe médium, d’abord dominant, et le groupe aigu au rythme plus vif, qui prend progressivement le dessus, mais se trouve brutalement interrompu par le groupe grave, très agressif. Les trois groupes semblent alors s’équilibrer, aboutissant à une section basée sur un seul instrument de chaque groupe, trouant violemment le silence devenu prépondérant. Le mouvement reprend alors, intégrant les métaux, tandis que le discours utilise de plus en plus fréquemment les répétitions et se resserre progressivement en roulements prolongés. C’est alors qu’en émerge l’instrument le plus grave, en un battement régulier et soutenu, aux accents brutaux et irréguliers, qui conclut en force la pièce, soutenu pas les métaux aigus qui ne font leur apparition qu’à ce moment.
REBONDS A & B
Dédicataires : Sylvio Gualda
Création : 1 juillet 1988, Italie, Rome, Festival Roma Europa, Villa Medicis, par Sylvio Gualda.
Éditeur : Salabert
Rebonds est construit en deux grandes sections A et B, dont l’ordre de jeu n’est pas fixé. Elles font appel à un instrumentarium légèrement différent : la première n’utilise que des peaux, alors que la seconde introduit en plus cinq wood-blocks. Rebonds fait partie d’un groupe d’œuvres (Pléiades, Idmen B), où s’affirme une grande régularité rythmique.
La partie A évolue dans une structure musicale irrégulière, pour aboutir à une sorte de mouvement perpétuel.
La partie B, quant à elle, est caractérisée par un rythme de bongo régulier que vient briser la grosse caisse par des accents décalés, les cinq wood-blocks interrompant plusieurs fois le discours dans un tempo plus rapide.
À part de très rares exceptions, la nuance est toujours fortississimo.
L’écriture que Xenakis fait subir à la percussion ne cherche pas de solutions dans les résonances, elle se limite volontairement à l’impact. Comme chez Varèse, le grand précurseur en la matière, l’emploi des percussions est un des multiples moyens qu’utilise Xenakis pour sortir des sentiers battus des hauteurs de sons traditionnels. Si une référence devait être choisie dans cette conception musicale, c’est moins dans notre civilisation mais plutôt dans le souvenir des musiques extra-européennes que l’œuvre de Xenakis semble s’enraciner, par sa violence toute primitive.
Cécile Gilly
OKHO
Dédicataires : Trio Le Cercle
Création : 20 octobre 1989, Paris, festival d’Automne, Opéra Comique, par le trio Le Cercle (Willy Coquillat, Jean- Pierre Drouet, Gaston Sylvestre)
Éditeur : Salabert
Composé à l’occasion du bicentennaire de la Révolution Française, Okho est composé pour trois musiciens jouant du djembe et « une peau africaine de grande taille » et a été créée au Festival d’Automne à paris le 20 octobre 1989. La rencontre de Xenakis avec le djembe d’Afrique de l’Ouest s’est faite lors de sa venue dans le studio du trio Le Cercle, auquel cette pièce est dédiée. On trouve dans Okho un rare équilibre entre le viscéral et le cérébral, créant une sorte de modernisme tribal. L’oeuvre est composée de huit sections contenant un matériau rythmique extrêmement restreint, recombiné en solos, duos et trios.
En concert :
19-27 mai 2023 : Taïwan International Percussion Convention, Taipei, Taïwan
2 septembre 2023 : Eleusis 2023 European Capital of Culture dans le cadre de l’Aeschylia Festival, Elefsina, Grèce
9 décembre 2023 : Live @ Home, Espace Apollonia, Strasbourg
12 juillet 2024 : Festival International de Colmar, Eglise Saint-Matthieu, Colmar